lundi 5 janvier 2009

Aujourd'hui je n'ai pas appelé mon fils Bernard.

Aujourd’hui je n’ai pas appelé mon fils Bernard.

Deux sens possibles à cette phrase :

  1. J’ai un fils, il s’appelle Bernard et aujourd’hui je ne lui ai passé aucun coup de fil.
  2. J’ai un fils, il n’a pas encore de prénom et aujourd’hui j’ai décidé qu’il ne s’appellerait pas Bernard.

Quand on me connaît un peu, on se doute qu’il faut privilégier la deuxième solution. Bien que ce que je vais essayer d’expliquer ici, c’est que si par malheur j’avais un fils qui s’appelait Bernard, je prendrais bien soin de ne pas l’appeler.

 

Aujourd’hui, je n’ai donc pas appelé mon fils Bernard. Tout d’abord parce que je n’ai pas de fils, mais surtout parce que je déteste le prénom Bernard.

Cette aversion pour ce prénom aux sonorités pourtant si mélodieuses vient sans doute du fait que je ne connais aucun Bernard qui a su me réconcilier avec son prénom. Tout homme (ou femme) prénommé(e) Bernard part avec un a priori négatif à mes yeux et aucun n’a réussi à modifier mon jugement a posteriori.

Il suffit, pour justifier ce propos catégorique, de dresser la liste des Bernard célèbres : Bernard Lavilliers, Bernard Kouchner, BHL (dont on oublie trop souvent qu’il s’appelle Bernard), Bernard Tapie, Bernard Minet, Bernard Diomède, Bernard Montiel, Bernard Menez, …

Ringards, faux-culs, pédants, escrocs, loosers ; on trouve de tout chez les Bernard. Les profils sont variés, malheureusement c’est une variation sur le même thème.

Il y a bien Bernard  Hinault, quintuple vainqueur du Tour de France. Mais un Bernard ne peut génétiquement pas être un héros du guidon. C’est pourquoi les journalistes l’ont très vite surnommé « le blaireau » sous le fumeux prétexte que, tout comme l’animal, il ne lâchait pas facilement ses proies.

Alors il nous reste Bernard Pivot, seule véritable exception : cultivé, ancien animateur d’une émission digne sur la culture à la télévision, membre de l’académie Goncourt (est-ce réellement un point positif ?), fervent défenseur de la langue française et de sa Littérature. Son attachement pour la dictée est certes un peu démodé, mais les charmes surannés de la troisième République ont peuplé nos fantasmes de maîtresses en tailleur bleu marine, cheveux tirés et lunettes à travers lesquelles un regard sévère est prêt à tomber sur nous à tous moments pour nous donner une punition.

Je m’égare. (Oh oui Madame ! Faites-moi revenir dans le droit chemin !)

En réalité, la raison principale pour laquelle je ne peux me résoudre à appeler mon fils Bernard, c’est que tout le monde finirait immanquablement par le surnommé « Nanar ». Or un grand nombre de phrases n’existent pas avec « Nanar » dedans.

Par exemple, il est impossible d’entendre : « Viens Nanar, on va s’achté des bombec’ à la boulang’. » ou « Putain j’suis trop en stress, Chloé a invité Narnar à sa boum de samedi. J’ai trop envie d’sortir avec lui !!! ».

Donc mon fils n’aurait aucun copain, si ce n’est des Kevin. Il passerait son enfance cloîtré dans sa chambre et n’aurait même pas de jouets pour se distraire car personne ne lui offrirait de cadeaux à Noël. Lorsqu’on a un Nanar dans la famille, on prend déjà sur soi pour tolérer sa présence les jours de fête mais écrire son nom sur un cadeau, c’est vraiment trop dur. Quant à son anniversaire, le jour de la naissance de Narnar est plutôt un événement que l’on tend à oublier dans la famille. Alors en perpétuer le souvenir n’est pas la meilleure méthode…

Il n’aurait aucun avenir professionnel. Personne ne s’est jamais fait soigner par docteur Nanar ou défendre par maître Nanar. Le mieux qu’il puisse faire serait de reprendre un bar-tabac où Julo l’apostropherait quotidiennement d’un : « Nanar, remets moi une Suze ! ». Voilà une phrase plausible avec « Nanar ». C’est comme : « Eh Nanar, on se fait un karaoké ? Ce soir y’a une spéciale Johnny. » ou « Vazy Nanar, balance ton Opinel ! J’ai rien pour étaler les rillettes. ».

Non franchement, si c’est pour que mon fils finisse à Deuil-la-Barre, avec la nuque longue, un berger allemand, des regroupements tunning tous les vendredi soirs sur le parking de l’Intermarché, je préfère encore un procès pour infanticide. Je plaiderais les circonstances atténuantes et j’aurai de grandes chances d’obtenir des dommages et intérêts pour préjudice moral.

Alors futurs parents, si vous voyez pendant les examens de contrôle qu’il y a le moindre risque que votre enfant s’appelle Bernard, n’attendez pas plus longtemps pour prendre la décision qui s’impose. 

4 commentaires:

  1. Anonyme13/1/09

    Tu connaissais ton premier fan mais là, je prends vraiment beaucoup de plaisir à lire tes nouvelles frères.

    Continue et les portes d'une maison d'édition ne tarderont pas à s'ouvrir (au pire je les défoncerai !!)

    Je te fais une bise !!
    A très bientôt
    M.T.

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  2. Anonyme19/1/09

    Je kiffe les messages anonymes signés avec des initiales. X

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  3. Anonyme9/4/09

    Je ne peux pas m'empêcher de laisser un commentaire, bien que rien ne soit à la hauteur de mon hilarité....
    C'est excellent !
    Je reviendrai sur ton blog.
    S.B (j'aime embêter les Jonathan...:) )

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  4. Anonyme19/6/09

    Mouhahahahahah (imitation du bruit sonore que ma gorge a produit en lisant tes mots)

    Je te remercie, tu viens d'égayer ma triste après-midi de fonctionnaire à la mairie de Saint-Dizier (Haute-Marne / Champage-Ardenne).

    Fannie

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