vendredi 16 janvier 2009

Aujourd'hui je n'ai pas résolu l'énigme cotentinoise.

Ce matin, j’ai participé à une formation professionnelle. Tous les responsables régionaux de mon secteur étaient invités à se rendre au siège parisien pour que nous soit expliquée la nouvelle version de notre logiciel informatique de gestion de personnel.

Ces journées de formation sont une routine des plus ennuyeuses. Mais aujourd’hui, suite à la récente fusion de notre entreprise, nous découvrions de nouvelles têtes. La journée a donc commencée par un tour de présentation.

L’exercice était assez simple : assis autour d’une grande table ovale au milieu de laquelle étaient disposés un thermos de café et un panier de minies viennoiseries, il fallait que nous déclinions chacun notre tour notre prénom, notre nom et la région dont nous étions responsable.

 

Michel Lefebvre, Limousin. Josiane Lecointre, Bourgogne. Denis Pelissou, Aquitaine. Jean-Louis Dourdant, Auvergne. 

 

Surpris par la succulence d’un petit pain aux raisins sans prétention et distrait par le décolleté de la nouvelle responsable Champagne-Ardenne, je n’étais pas très attentif au rituel de présentation.

Quand, soudain : « Patrick Hochart, Cotentin. »

Cet homme, grand, moustachu, avec une petite pochette marron dont la lanière de cuir entourait son poignet, venait d’égayer ma journée. Il avait prononcé le mot Cotentin.

Ce nom, si rarement entendu, sans doute jamais lu, renvoie pourtant à un sémantisme évident dans mon esprit. Même hors de tout contexte, ce signifiant exprime clairement une zone géographique, que je suis cependant absolument incapable de situer.

Tout le monde s’entendra sur le fait que le Cotentin est un lieu et non une chose ou une action. On n’a jamais entendu quelqu’un dire : « Ce matin Martine était de mauvaise humeur, elle avait encore oublié son Cotentin dans la voiture. » ou « Hier j’ai Cotentin la voisine comme c’était dimanche. ».

Nous connaissons tous ce mot pour l’avoir entendu un jour à la télé avant l’éphéméride. Pourtant personne n’est capable de situer cette région sur une carte, pas même Julien Lepers. Le présentateur météo, seul être au monde habilité à prononcer le mot Cotentin, en est lui aussi incapable. De temps en temps il annonce un peu de brouillard givrant sur le Cotentin, mais il se garde bien de le pointer du doigt sur la carte.

Ma théorie est la suivante : à l’origine, il s’agit d’une blague d’Alain Gillot-Pétré. Un jour, pour délirer avec des potes à catogan, il a dû annoncer une température sur le Cotentin.

 

Attention aux orages sur le Golfe du Lion. Demain matin, on aura un petit huit degrés sur le Cotentin, douze à Perpignan et treize à Biarritz. On gagnera trois minutes de soleil et n’oubliez pas de fêter les Patrick.

 

Ça passe tout seul. Depuis, comme il était le boss de la profession, personne n’a osé remettre en cause l’existence du Cotentin et l’on annonce quotidiennement les températures d’une région imaginaire.

C’est pour cela que nous devons être très peu nombreux à savoir que le Cotentin n’existe pas. Nous devons former une sorte de communauté secrète, dont Patrick Hochart doit être un membre éminent. Il doit même y avoir des réunions clandestines de la Communauté de ceux qui savent que le Cotentin n’existe pas.

 

-       Tu viens d’où ?

-       J’suis originaire du Cotentin.

-    Ok, c’est bon. Vas-y rentre.

 

Ou alors le Cotentin est un mensonge d’état. Une région inventée par le gouvernement pour faire croire qu’il s’y passe tout plein de choses qui les arrangent. Un endroit où le taux de criminalité, le taux de chômage, le nombre de SDF et de bavures policières seraient très faibles, ce qui leur permet de rééquilibrer les chiffres. Un outils de propagande utilisé par Pernaut à 13h :

 

En ces temps difficiles, une petite entreprise qui ne connaît pas la crise. Dans le Cotentin, l’industrie du chausson est florissante. Dans le petit atelier de son entreprise familiale, Mr Ledoux n’a jamais autant travaillé. Reportage Marie-Christine Ambert et Romain Ledentu. »

 

Comme j’ai une conscience journalistique au moins aussi élevée que celle de Jean-Pierre Pernaut, j’ai cherché sur Wikipédia des informations complémentaires. « L’encyclopédie libre » nous indique que le Cotentin est également appelé le « pays de Coutances ».

J’ai donc poursuivi mes recherches en me concentrant sur Coutances, qui pour tout le monde est une ville mais que personne ne peut situer, ce qui semble confirmer son appartenance au Cotentin. Dans l’article consacré à cette ville, on peut lire : «  Coutances est une commune française, située dans le département de la Manche et la région Basse-Normandie. Elle est notamment connue pour sa cathédrale, son festival Jazz sous les pommiers. Coutances est le siège d'un évêché. »

Aucune trace du Cotentin ! La preuve est faite, le Cotentin est un « pays » imaginaire. 

Imaginaire certes, mais un « pays » tout de même. Et quelle est donc cette unité géographico-administrative française qu’est le « pays » ? Il y aurait donc des pays dans le pays ?

Peut-être qu’il s’agit de ces zones uniquement délimitées afin d’être représentées par une miss. Ces zones qui expliquent les appellations d’origine non contrôlée de miss Artois Hainaut, miss Albigeois, miss Quercy Rouergue. Cependant, jamais une miss Cotentin n’a défilé en maillot devant le chapeau de Geneviève. Et cela ne fait que confirmer notre thèse d’une supercherie nationale.

Ou alors s’il existe, le Cotentin est un pays secret, caché. Un pays souterrain construit dans une grande fosse aux parois lisses quelque part en Normandie. On vous jette dedans et vous ne pouvez plus jamais remonter, ni voir la lumière du jour. C’est Le pays dont on ne revient jamais.

Il a sans doute été créé pour y envoyer tous les individus que notre société ne peut supporter. Nous, nous connaissons des dictateurs, des bourreaux, des serial killers, des terroristes. Mais ce n’est rien à côté du Cotentin. Là-bas, n’importe quel type est au moins trisomique raciste lépreux anarchiste unijambiste siamois albinos et pédophile. Ou pire, c’est peut-être un pays peuplé par des clones de Pascal Bruner.

Quand je pense qu’un jour ma mère m’a dit : « Si tu continues comme ça à l’école, cet été tu iras deux mois en colo dans le Cotentin ! » En fait ça doit être ça le Cotentin, un pays secret où l’on envoie les enfants dont on veut se débarrasser. Un pays cauchemardesque au service de tous les parents dont le fils s’appelle Bernard.

2 commentaires:

  1. Anonyme28/8/09

    Je vous aide un peu. Il faut, pour se rendre en Cotentin, aller gare St-Lazare en novembre et prendre un train quai 22 ou 23. Passées les plages du débarquement, les wagons se vident et il ne reste que des Kurdes sans papier, des architectes italiens et une blonde en santiags qui lit l'Equipe. Si des vaches de l'ultra-gauche en divagation ne font pas blocus en bousillant les caténaires, on franchit Carentan (célèbre localement pour sa loge maçonnique, ses transports Deshayes et ses incendies à répétition)et là, en effet, le monde se dématerialise. Le train roule sur un miroir d'argent puis glisse dans le vide, l'homme est une île et le trou Baligan gît avec son dragon sous les entrailles de la centrale. Rien à dire.

    RépondreSupprimer
  2. Anonyme23/4/12

    Bonjour,

    Je ne sais pas ce que vous fumez, ca a l'air puissant vu votre haute connaissance géographique et humoristique.

    Le Cotentin est certes perdu au bout de la Normandie ( basse pour les puristes parisiens)mais c'est vraiment une richesse de bien être.

    Des paysages époustouflants de beauté

    Venez voir et vous y reviendrez

    Dommages que vos commentaires soient si tristes : )

    RépondreSupprimer