samedi 27 décembre 2008

Aujourd’hui je n’ai pas été pris pour remplacer Johnny Depp dans Pirates des Caraïbes 4.

Lundi dernier, je prenais un pot à La Taverne avec Martine qui voulait absolument m’expliquer comment, à cause de « La crise », elle avait été obligée de vendre son troisième enfant à des chinois. Enfin ça, c’est une autre histoire.

Ce soir-là, donc, une petite affiche près du bar attire mon attention. Dans un style plutôt inattendu, elle annonçait :

 

« Hisse et oh, Moussaillons ! Le Black Pearl largue les amarres pour voguer vers de nouvelles aventures et cet insubmersible navire se cherche un nouveau capitaine. Saisis ta chance ! »

 

Puis en bas, en petits caractères :

 

« Casting pour le rôle de Jack Sparrow, Dimanche 28 décembre, port de Los Angeles. ».

 

Je sors mon agenda. Comme je n’avais rien de prévu avant le tournage d’une pub au mois d’avril, je note l’information.

Ce matin, je me lève donc de bonne heure pour rejoindre l’aéroport. En achetant mon billet au comptoir American Airlines, l’hôtesse me demande :

- Vous réglez en Visa, Mastercard, American Express ?

Bizarrement, j’ai senti là une bonne occasion de préparer mon audition. Et sans trop réfléchir, je me mets à gueuler avec ce que je pense être une voix de corsaire :

- Petite friponne ! Comment oses-tu demander ça à un pirate ! Si je n’étais pas pressé, j’te couperais la langue !

Mauvaise idée…

Après un petit détour dans les coulisses du service des douanes de l’aéroport et un petit détour du service des douanes dans les coulisses de mon anatomie, je parviens à prendre le prochain vol pour L.A.

La production avait mis les moyens, le casting avait lieu sur un bateau. Une fois arrivé au port, j’ai vite compris que je ne ferai pas le poids.

Sur le pont, attendant l’ouverture à intervalles réguliers de la cale où se déroulaient les auditions, une bande de pirates patientait. Mais attention, pas des pirates d’eau douce. Des vrais pirates ! Avec toute la panoplie : sabre, jambe de bois, chicots en voie d’extinction et haleine de champignonnière. Moi en jean slim, Repetto, polo rose Fred Perry et bandeau de pirate pour enfant que j’avais piqué à mon neveu pour l’occasion, j’ai fait une entrée plutôt remarquée…

Heureusement mon tour est assez vite arrivé. Et là bonne surprise, le jury n’était composé que de stars : Barberousse, Capitaine Crochet, Rackham le Rouge. La crème de la piraterie ! Il y avait aussi Bartoloméo et William Kidd que je ne connaissais pas mais qui sont apparemment des pointures dans le métier.

C’est Crochet qui dirigeait les opérations :

-       Ton nom ?

-       Dim.

-       Dim ! Comme les slips ?

-       Oui, voilà, c’est ça.

-       Ba c’est bien, c’est viril. Ça fait pirate quoi ! Tu viens bien pour le rôle de Jack Sparrow ? Parce que pour le premier rôle féminin on a déjà quelqu’un, c’est dommage…

Il lance un regard goguenard à ses camarades qui s’esclaffent d’un rire gras. Je réplique tant bien que mal :

-       Bon ça va ! J’avais pas forcément prévu de m’engager dans la piraterie au moment où j’ai choisi mon pseudo.

Rackham le Rouge de colère intervient :

-       Personne ne choisit cette voie au départ gamin ! Si on en est là, c’est qu’on a tous manqué d’amour !

Il brandissait sa bouteille de rhum avec frénésie. J’avais abordé un sujet sensible. Heureusement l’assistante est entrée pour leur apporter le déjeuner : du taboulé.

J’ai tenté de détendre l’atmosphère :

-       C’est du taboulé…tipiak…ti…tirak… ???

Je ne savais pas trop où j’allais avec cette blague. Je surenchéris, assez fier de moi :

-       Leur volez pas la recette, bande de pirates !!!

Avec le recul, ce n’était pas ma meilleure vanne. Mais il faut dire que pour des américains, la pub Tipiak, ça ne fait pas forcément référence…

Crochet rompt un silence auquel je m’étais habitué :

-       Bon, on va commencer par la scène du perroquet.

-       La scène du perroquet… Vous pouvez m’en dire plus ?

-       C’est la scène où le perroquet fait un solo de trompette et toi tu l’accompagnes au triangle ! Non mais t’es débile ou quoi ? Dans le scénar’, y’a une seule scène avec le perroquet. C’est quand même pas compliqué ! D’ailleurs il est où ton perroquet ?

-       Mon perroquet… Baaaa…c’est-à-dire qu’en fait…j’ai pas de perroquet.

-       T’as pas de perroquet ! Mais t’es quel genre de pirate au juste ? Non mais éclaire nous. On est ouvert, on veut bien essayer de comprendre. Mais pour un pirate, le perroquet c’est la base !

Je me rends alors compte que les cinq hommes qui me font face ont chacun un perroquet vert sur l’épaule droite. Cinq perroquets qui répètent à l’unisson : « C’est la baaaase ! C’est la baaaase ! C’est la baaaase ! »

-       Puisque t’as pas de perroquet on va passer à la deuxième étape de l’audition : tu vas violer la scripte.

J’ai hésité un instant à prendre ces paroles au sérieux. Mais en voyant l’état de la scripte (bas filés, rouge à lèvres jusqu’aux oreilles, cheveux ébouriffés qu’un serre tête avait du mal à soumettre aux lois de la pesanteur) j’ai compris que beaucoup n’avaient pas hésité avant moi.

Elle, se tournant vers Crochet, demande d’une voix lasse :

-       Il faut que j’y retourne Capitaine ?

-       Ah ba, oui Corinne ! Essaie de t’échapper comme tu peux et puis trouve une meilleure cachette que la dernière fois. Mais bon, tu l’as voulu ce stage, tu l’as eu !

Cette opportunité était vraiment trop importante pour ma carrière, je me suis exécuté. Ce ne fut pas bien difficile. Il faut dire que le combat était inégal. Elle courait comme elle pouvait dans son tailleur, avec ses chaussures à talon. Elle était à bout de force, payant les efforts accumulés depuis le matin et les centaines de candidats déjà passés. Alors à la sortie d’un couloir, je lui ai mis une balayette et elle s’est écroulée au pied d’un canon.

Le jury fut assez satisfait de ma prestation.

-       C’était vraiment bien ! Hein les gars ?

-       Ouaiiiiiii !

-       Surtout quand tu lui as mis un coup de latte à la fin. Par contre, t’étais pas obligé de lui tirer les cheveux. C’est cliché. Enfin l’essentiel, c’est qu’on va pouvoir passer à la troisième et dernière étape de l’audition.

Et là, quand j’ai vu rentrer Barberousse avec un vieux et de la dynamite, je me suis dit qu’ils allaient trop loin. Je n’ai pas cherché à comprendre, je suis parti en claquant la porte. 

Je ne suis pas prêt pour Hollywood. Ce n'est pas mon truc l'Actors Studio.

1 commentaire:

  1. Anonyme29/12/08

    dites moi les amoureux vous donnez dans le blog en bonne résolution ?! L'anonyme du blog de ta femme...
    p.s : continue comme ça j'adore !

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