vendredi 23 janvier 2009

Aujourd'hui je n'ai pas oublié Pépère.

Tu sais, elle me parlait beaucoup de toi. Elle racontait, il est comme ci, il est comme ça. Je suis sûre que tu vas lui plaire, tu verras.


Tu sais, elle disait : « Je l’aime tellement. Plus le temps passe et plus je l’aime. » Alors ça lui a fait quelque chose quand t’es parti, comme ça, sans prévenir personne. Elle me disait : « C’est fou, je l’ai vu une semaine avant il était en pleine forme. »

Tu sais, tout le monde était sur le cul en apprenant la nouvelle. Moi on m’avait dit : « C’est un roc, le grand-père, il est solide. » Alors je m’étais pas méfié, je prenais mon temps avant de te rencontrer.

T’aurais quand même pu m’attendre bordel ! Je rentre dans la famille au moment où toi tu te barres. J’aurais tellement aimé te plaire. Mais t’es parti sans que j’ai le temps de te dire bonjour.

Je savais pas moi, je savais pas que tu prendrais ce train là. J’ai juste eu le temps d’arriver sur le quai pour accompagner le wagon d’un signe de la main. J’espère quand même que tu as jeté un petit coup d’œil, histoire de voir à quoi je ressemble.

J’aurais aimé que tu partes tranquille, en te disant : « Ça va. Elle est entre de bonnes mains. » Mais t’es parti à l’improviste sans que je puisse te serrer la main.

C’est tout de même con de gravir quatre-vingts marches et de se casser la gueule sur la dernière.

Tu sais, j’avais tout imaginé, je savais comment ça allait se passer. Je serais venu plein d’anxiété, parce que ça fait quelque chose de rencontrer le patriarche. J’aurais dit « Bonjour » tout penaud, les yeux baissés sur mes chaussures. Tu m’aurais dit « Salut mon gars » ou quelque chose comme ça, quelque chose de local, quelque chose qui met à l’aise, qui fait comprendre qu’ici on ne fait pas de manière. J’aurais pesé tous mes mots, j’aurais essayé de dire des choses intelligentes sans en faire trop pour te montrer que je suis quelqu’un de bien, que la petite fille est entre de bonnes mains.

Les jours de fête, dans la grange, on aurait mangé tous ensemble, autour d’une grande table en bois. T’aurais sûrement rouspété parce que c’est trop cuit ou parce que les enfants font trop de bruit. Moi, j’aurais trouvé ça charmant.

Je t’aurais observé, longuement, au bout de la table. J’aurais regardé tes mains calleuses, tes gestes sûrs. J’aurais aimé ta façon de couper le pain ou d’éplucher un fruit avec ton couteau personnel.

Peut-être qu’un jour on serait devenu copains. On serait parti en balade, tu m’aurais raconté des histoires sur ton pays, parce qu’il paraît que tu l’aimais ton pays.

Elle me disait : « C’est un vrai berrichon, tu sais. Il l’aime sa région. Il la parcourt sans cesse, le bâton à la main. Il en connaît tous les recoins, et tout le monde connaît Jules dans le coin. Il paraît que même les arbres le saluent sur son passage. »

On aurait peut-être même parlé football, il paraît aussi que tu aimais ça. C’est fou, on était fait l’un pour l’autre toi et moi.

J’aurais tellement aimé que tu dises : « C’est un bon gars celui-là. » J’aurais tellement aimé que tu vois que c’est sérieux entre elle et moi.

Mais ça sert plus à rien maintenant tout ça. Parce que toi t’es plus là, et moi je reste ici, avec des souvenirs qui n’en sont pas, avec mes fantasmes de toi.

Aujourd’hui j’ai quand même l’impression de te connaître, tu vois. Et même si je crois pas à toutes ces conneries du genre : « de là où il est je pense qu’il nous voit » ; et ben j’aimerais bien, malgré cela, ne pas rester un inconnu pour toi.

Alors si jamais tu t’ennuies, parce que l’éternité c’est quand même long faut dire, passe nous voir un de ces quatre, histoire qu’on cause un peu tous les deux et que tu nous racontes comment ça se passe après. Nous on t’attendra, y aura toujours une chaise pour toi.

Tu nous manques.

 

Tu sais, elle continue à me parler de toi. Elle raconte, il était comme ci, il était comme ça. C’est dommage, tu lui aurais plu je crois.

9 commentaires:

  1. Anonyme24/1/09

    et moi "aujourd'hui je n'ai pas versé la larme", mais presque.
    vous embrasse

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  2. Anonyme2/2/09

    C'est moi ou il manque 10kg à Dimitri ?

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  3. Anonyme2/2/09

    Je pensais qu'il y avait d'autres choses à dire sur ce texte...
    Merci Paul.

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  4. Anonyme3/2/09

    Oui enfin, le texte est remarquable, mais l'illustration est ce qui a en premier retenu mon attention ;)

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  5. Anonyme10/2/09

    second petit dej du samedi sans histoire.....
    si tu veux des fidèles lecteurs, faut leur donner leur dose !

    des bisous

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  6. Anonyme5/4/09

    pour l'avoir connu... tu lui aurais plu

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  7. josette29/6/09

    merci,
    et moi aussi, "pour l'avoir connu..."
    c'est sûr que tu lui aurais plu, vraiment.

    tu es trop mignon et tu me fais pleurer

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  8. Anonyme17/5/10

    Pardon.
    Fanonyme.

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